Élément Terre
Vous l'avez sans doute remarqué, il y aura bientôt dans la capitale davantage de cavistes, de caves-à-manger ou de bars à vins que de restaurants. L'offre est pléthorique, le conseil y est avisé, et le duo saucisson-verre à vin, nature obligé, de rigueur. Avantage, aucun amphitryon du genre ne viendra vous déloger si vous prenez racine. On remisera par ailleurs le débat qui oppose nature (les vins sains) et culture (les conventionnels) sans intérêt pour ceux dont le palais a été uniquement élevé aux vins « propres » (qui sauvent la planète), avec comme sous-entendu que les autres sont « sales ». Alors pourquoi pas un petit tour chez un tenant de cette success-story, à savoir Elément terre, avec, au tire-bouchon Henri, quinze ans de fonds de cave, et Edip, roi du döner de qualité, qui officie à deux pas. Une affaire modeste, quinze couverts en une pièce cuisine (kitchenette reléguée derrière un petit comptoir), calés entre mur de bouteilles et mur de pierres apparentes. La tentation de l'élémentaire est grande pour ce type de havre, charcuteries ibériques tranchées finement comme il sied, et fromages bien choisis, assurant un avant-propos classique. Seul le pain, une sorte de baguette de campagne ce soir-là, pose problème (on a connu mieux). Mieux-mieux encore, la petite carte de sept « tapassiettes » qui nous tape dans l'œil. Des compositions intéressantes, « produits simples travaillés soigneusement », dixit Henri, et réalisées par un chef d'origine coréenne : très harmonieuse combinaison de lieu jaune ikéjimé au goût puissant, d'oca du Pérou (un tubercule), d'artichaut nain et de mousseline de cerfeuil tubéreux ; souples ravioles (à l'asiatique) de poulet fermier, houmous de pois cassés et pointe de harissa; enfin, heureux édifice de sablés maison encore chauds, prenant en sandwich une compotée de pommes caramélisées, le tout coiffé d'une ricotta parfumée à la bergamote. Jamais violentes, les saveurs ne vont pas heurter alors les associations avec les vins. Ici, ils sont à 90% nature, une petite niche étant réservée aux bio-dynamiques que le caviste juge d'une grande pureté, et on les choisit directement en « rayonnage » (droit de bouchon de 8 euros) grâce aux lumières d'Henri. Mais au verre, c'est l'entonnoir dans les choix : un seul blanc, un seul rouge et rien à faire pour débloquer la situation. Le débit de ces vins au verre étant réduit par rapport à la demande en bouteilles, il n'est pas question d'entamer une autre bouteille, car toute canon ouvert non protégé par du soufre, est oxydé le lendemain. C'est frustrant. Gilles Dupuis
Lieu jaune ikejimé, oca du Pérou, mousseline de cerfeuil tubéreux - Ravioles de poulet fermier, houmous de pois cassés et harissa doux - Sablé, compote de pommes caramélisées, ricotta, bergamote, amandes.
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