Un très bon restaurant
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Restaurant ou divertissement ? Les deux, chef ! En quelques mois, la salle à manger du palace est devenue salle de spectacle, stucs et dorure, service façon 1ère classe Air France années 60 et, surtout, table centrale qui se déplie à l'infini où sont déposés à foison chandeliers et gerbes de fleurs, hortensias lors de notre passage. Représentation à guichet fermé malgré une réservation faite plusieurs semaines à l'avance, et une ambiance à la fois électrique et féerique. Jocelyn Herland salue les tables, Jean Imbert non, et, pour nous, le plaisir de retrouver les inséparables Denis Courtiade, directeur, et Laurent Roucayrol, sommelier. La pièce peut commencer, amuse-bouches bien choisis pour consulter en toute gourmandise la carte dédiée aux grands classiques. On se réjouit de découvrir des plats inspirés par Carême ou Escoffier, pour ne citer qu'eux. La langouste Bellevue arrive entière avec ses médaillons en gelée et force l'admiration. Saveurs pourtant vite saturées, heureusement la patte du crustacé farcie montre plus de vigueur. À côté, la tarte chantilly truffée joue de beaucoup plus de finesse dans sa texture et ses arômes, arachnéenne, presque légère. Le bouillon demi-deuil lave avec bonheur le palais et prépare au mieux le plat suivant : un canard à la bigarade. Ce classique aujourd'hui oublié ce révèle d'une insolente gourmandise, notamment accompagné du remarquable châteauneuf-du-pape Domaine Saint-Patrice. Le vol-au-vent du voisin surprend : le feuilletage placé dessus pour éviter de détremper la pâte donne une lecture moins enthousiasmante. Manque d’onctuosité. Rien à redire quant au plateau de fromages, intelligent dans ses choix et remarquablement servi. La suite du repas peut continuer avec le lever de rideau de la pâtisserie, annoncée à haute voix. La table se couvre vite de trésors là aussi souvent oubliés, crêpe clémentine Napoléon à se damner ou Ambassadeur "punché" comme on œuvrait autrefois. Certes du sucre (il en faut !) et un travail qui force l'admiration dans sa parfaite exécution. Alors, la note finale ? Le Plaza prend le contre-pied des adresses en vue qui jusque-là misaient plus sur un dépouillement ou une austérité propres aux étoilés scandinaves. Ou, peut-être, le tropisme vintage Gucci appliqué à la grande restauration … Rien que pour cela, on applaudit et on se félicite qu'un tel restaurant ose un faste enjoué et, surtout, jamais hautain. En sachant qu'il reste encore quelques réglages à l'assiette dans sa partie salée pour gagner en sincérité.