Un bon restaurant
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Exfiltré de son Abri dans le Xème - bistroy une pièce-cuisine-placard revendu récemment -, le nippon Katsuaki Okiyama doit enfin respirer. Cette fois, associé à Hugo Combe, un homme de bar du soir, il s'est posé dans un vrai restaurant, confortable pour popoter, comptoir accueillant avec terrasse de plain-pied sur l'avenue Trudaine, seule artère un tantinet bucolique de l'arrondissement. Il aurait pu mettre les bouchées doubles, disposant d'une bonne quarantaine de places assises, mais a opté pour une formule free style : dix-huit convives seulement en deux services (19 heures et 21 heures 30), le bar et les tables extérieures étant consacrés pour se sustenter aux cocktails maison accompagnés de petites assiettes, ces dernières en gestation actuellement avec anchois cantabriques, terrine maison... Formé à l'école Robuchon, il avait développé un style particulier dans son adresse précédente, menu unique et assiettes missiles, où il n'était pas rare que leur contenu, qui pouvait très bien ne pas être celui de votre voisin, changeât en cours de repas. Souvent déconcertant, si ce n'est que le chef s'en sortait de par son talent. Ici, il prend le temps de peaufiner ses compositions, plus complexes et personnelles qu'auparavant, soigneusement pensées, équilibrées, avec quelques références à ses racines (mijinko, graines de légumes japonais, crème de yuzu). Car dans le fond, il reste un classique, en témoignent une canette saignante et son jus de carcasse, ou une lotte au safran et jus de moules. Et évite les dérapages intempestifs d'une surenchère de produits dans une même assiette (le thon est un bel exemple d'intelligente concision), afin que leur dispositif rationnel aille de pair avec une certaine sensualité. Gilles Dupuis