Parfois, même avec la naïveté en bandoulière et la curiosité apéritive, il arrive que l'on soit décontenancé en franchissant le seuil d'une table. Ici, dans la banlieue du Triangle d'Or, en apnée de résidents en soirée, la tâche d'identification n'est pas facile. Imaginez une coquette boutique de traiteur, épicerie fine et pâtisserie, sanctifiée par une enseigne au patronyme du chef, Attilio Marrazzo, doté d'une double casquette puisqu'il veille à la fois sur son entreprise parisienne et sur le Château de Noirieux en Anjou, que l'on doit traverser pour accéder à l'un des trois niveaux de son restaurant. Là encore, expectative, avec une carte à double entrée, l'une Bistro, l'autre Gastro, dont le chef peut se prévaloir en héritage d'une décennie passée activement auprès de Robuchon et dont il a repris les locaux ici-même (Robuchon-Dassaï). Ne pas disposer d'une bonne visibilité à partir de la rue n'est déjà pas chose facile, trouver la bonne formule pour faire vivre l'ensemble en est une autre, d'autant que d'après le personnel, la séquence haute cuisine (non testée) serait réservée aux dîners. C'est donc dans un incroyable cadre échappé d'un émirat du Golfe, tables marbre, profonds fauteuils « barbier », moquette épaisse et miroirs aux murs et au plafond (si, si) que nous nous sommes consacrés au Bistro. Surprenant là encore dans ses propositions, déclinant os à moëlle et vitello tonnato, salade niçoise et ribs de bœuf black angus au panko, pâtes maison et filet de bœuf normand, soit une déclinaison flirtant avec la brasserie cossue. Cerise sur le gâteau, ou diamant sur canapé, une carte présentée de « Mets d'exception », alignant, pizza, œuf parfait ou spaghetti au caviar. Décalés certes, mais bien en phase avec le bling-bling décoratif de la maison. Cette identité floue, ce melting-pot des genres, laissent circonspect d'autant que la prestation de bouche, entrée banale, pasta peu copieuse mais tiramisu qui laisse pantois par son onctuosité gourmande, ne fait pas de cadeau au niveau de l'addition. En devenir donc. Gilles Dupuis