Un bon restaurant
Si d'aucuns n'ont cessé de s'interroger sur l'apport de chefs japonais dans le paysage des tables parisiennes, il est indéniable que leur savoir-faire n'est plus contesté. Entre les supergastro français que furent le Stella Maris ou Hiramatsu, les emblématiques popotes à ramens, les maîtres du sushis (Jin) et l'hypothétique raz-de-marée de cuisine qualifiée de fusion en son temps, c'est la sagesse qui l'a emporté. Prenez par exemple Ryuya Ono chef de ce Magma. Rien d'éruptif, ni de disruptif, mais une bonne digestion de son parcours formateur, Table, Maison (toque nippone), avec comme parfaite illustration sa royale de Saint-Jacques, très Escoffier ou Robuchon, comme vous le voudrez. Le cadre, ni ethnico-asiate, ni dégoulinant de fanfreluches bourgeoises, affiche une sobriété de bon aloi, banquette vert olive, carrelage bistrot fleur-de-lysé, lambris, miroirs et appliques art-déco. Et si le dépaysement est présent, il est davantage dans la mise en œuvre de petites saillies personnelles qui effleurent des assiettes de conception classique et technique (homard breton sauce amande, vol-au-vent d'ormeaux, poireaux, granité de raifort, caviar...), sans que la patte japonaise ne passe aux oubliettes (tempura de lotte, collier de poisson au four qui doit tout à l'Asie). Y compris dans cet emblématique Paris-Brest, où des arachides grillées viennent se loger de façon impertinente dans la crème pralinée et qui renouvèle discrètement le genre, à l'instar du travail du chef sur l'amertume (puntarella, alliance cacao et parmesan pour une raviole de canard) et le piment (sauce jalapeño), qui ne peut laisser indifférent. Gilles Dupuis