Un des meilleurs restaurants de la ville
Comme tous les chefs soumis à la dictature de l’instant, Pierre Gagnaire disserte parfois sur le dressage, la composition, l’assiette. Ce n’est pas lui faire injure que de ne pas croire un seul mot de cette glose, car ce cuisinier né dans la Loire n’est pas d’Insta mais d’instinct. L’esthétique, dans la salle de la rue Balzac, est accrochée aux murs et marouflée sur le plafond magistral signé l’artiste Adel Abdessemed. En cuisine, pour Pierre Gagnaire, rien ne compte autant que la saveur d’une jeune asperge, la fraîcheur d’une langoustine nacrée, la densité d’une truffe noire. La forêt n’est pas suggérée, évoquée, transcendée ; Pierre Gagnaire l’invite à table et l’impose. Son goût pour le gibier à poil et à plume et sa faiblesse pour les champignons nobles ou populaires ne se cachent pas derrière des épices et des accords parfois trop recherchés. Aux portions minuscules vues, revues, déjà vues puis aussitôt oubliées, il oppose sa générosité et propose une variété de pains, comme une invitation à saucer des plats que l’on pensait ne jamais pouvoir terminer. Incontestablement classique, comme son mobilier et sa vaisselle, la cuisine du chef part d’un ormeau ou d’une gousse de vanille et… y revient. A Paris, près des Champs-Élysées, chaque plat tombe comme un vêtement parfaitement ajusté, sans faux pli. Il y a un adulte dans la pièce, comme disent les américains, qui ne confond pas sagesse et ennui, et assume, sous l’autorité de Thierry Mechinaud aidé par une équipe de salle discrète et agréable, le défi de la sagesse.