Chemins (Les)
Si la cuisine de Romain Meder faisait sensation ou la « naturalité » parfois sourire sous les ors du Plaza-Athénée, le registre du chef a trouvé une pertinence et une grâce inespérées au domaine de Primard. À moins d’une heure en train depuis la gare Saint-Lazare, le château du XVIIème siècle s’organise autour d’une campagne à la mise en scène parfaite, l’Eure serpentant aux pieds de l’immense terrasse, les arbres centenaires jouant d’ombre et de lumière parmi les hectares du parc. La propriété connaît deux bienfaiteurs, Gérard le jardinier qui, déjà à l’époque de Catherine Deneuve - ancienne propriétaire -, bichonnait les allées, bosquets et potagers. Et Romain, arrivé depuis moins de deux ans. Le franc-comtois, diplômé entre autres d’un CAP de boucher, fait ici un spectaculaire revival. En cette fin d’hiver, il faut de l’inspiration et beaucoup de talent pour composer un menu autour du végétal. Son cahier des charges se résume à quelques lignes : « je m’approvisionne dès que possible sur place ou dans les proches alentours ; je veille à la cohérence entre accueil, service et cuisine ; je ne suis aucun dogme ; et je reconnais que la matière carnée ne m’inspire plus du tout… ». Sa galette à base de farine d’épluchures de légumes donne envie, comme la gaufre à la farine de pois chiche recouverte de jeunes pousses du domaine, ou la brioche alsacienne à tremper dans un incroyable civet de betterave et olive noir. Cette succession de bouchées participe aux « chemins de traverses » qui annoncent les cinq ou sept assiettes à venir du menu. Ces dernières toutes percutantes et cohérentes. Le chou vert du potager braisé dissimule un gâteau de foie blond de volaille « la Culoiselle » et que relève et révèle l’huître traitée comme un condiment. Vient ensuite un trio vite magique, poulpe, poireau et pissalat, préparé en fait comme un ragoût d’une puissance insoupçonnée. Ce parcours initiatique se prolonge jusqu’au desserts, aux constructions souvent similaires à la partie salée. Oranges sanguines et sorbet bergamote développent des saveurs amères qu’apaise une part de galette comtoise. Quand chocolat, café et lentilles soufflées s’associent dans une confrontation de textures et de rondeurs lactées. Seul (léger) regret, cette gastronomie de haute volée mérite une carte. On rêve de choisir parmi les nombreuses créations du chef. Comme on rêve de revenir pour goûter et regoûter des plats incontournables de ladite carte … « Un jour quand le recrutement sera plus facile en cuisine », promet Romain.
Endive, cédrat et champignon - Barbe, patate et truffe - Chou, foie blond et huître - Poulpe, poireau et pissalat - Fromage, pain de riz et salade - Tangelo, orange sanguine et pélargonium - Chocolat, café et lentille.